Lundi, DSK a quitté sa résidence surveillée de TriBeCa pour rejoindre la cour suprême de New York où, lors d'une audience purement formelle, il s'est vu notifier sa mise en accusation et a plaidé non coupable. Cela ne l'engage à rien, il peut revenir sur son choix à tout moment jusqu'à l'ouverture du procès. Le juge établira alors un calendrier de procédure et le procureur commencera à livrer à la défense les éléments matériels sur lesquels repose l'accusation, à commencer par la plainte. Chacun des mots et, au-delà des mots, la personnalité de la victime présumée seront disséqués par les limiers de la célèbre agence new-yorkaise Guidepost Solutions. Mais les détectives engagés par la défense de Strauss-Kahn ont déjà commencé à explorer le passé de la Guinéenne de 32 ans qui accuse l'ex-patron du FMI d'agression sexuelle.
"Dans ce type d'affaire, les seules preuves objectives que l'on a se limitent à la parole de l'un contre la parole de l'autre. Il est donc indispensable de tester la crédibilité de la victime présumée pour apprécier la fiabilité de son témoignage", explique Christophe Ayela, avocat au barreau de Paris. En France comme aux États-Unis, il est de bonne guerre d'engager des enquêteurs privés dont la mission est de démolir les déclarations d'une personne, a fortiori si elle est le seul "témoin" des faits dénoncés.
Fréquentations
Les enquêteurs de Guidepost Solutions se seraient rendus en Guinée pour y débusquer jusqu'aux transgressions les plus anodines de la jeune femme. Autre terrain d'exploration : la chambre où s'est déroulé le prétendu crime. Le moindre indice tiré de la configuration des lieux et de la reconstitution des faits sera exploité. Les enquêteurs chercheront bien sûr aussi à débusquer toute forme de mensonge ayant permis à la jeune femme de se loger et de travailler au sein d'un établissement prestigieux. "Il est peu probable que le Sofitel l'ait embauchée si elle n'avait pas les papiers nécessaires", note l'avocat new-yorkais et ancien substitut du procureur de New York Stephen Dreyfuss.
Les enquêteurs s'informent aussi sur les amis et relations de la jeune femme, ses lieux de sortie, son quotidien et sa vie personnelle : a-t-elle déjà accepté des relations sexuelles contre de l'argent ? Connaissait-elle DSK ? Consommait-elle de la drogue ? Avait-elle l'habitude de crier au loup ? etc. Les détectives feront également réaliser des analyses visant à contredire celles du laboratoire de médecine légale choisi par le procureur.
Feront-ils placer la jeune femme sur écoute ? "Si un participant à l'entretien téléphonique y consent (en l'occurrence, le détective privé), il peut enregistrer sa propre conversation avec une autre personne à son insu, souligne Me Dreyfuss. Mais dans l'affaire DSK, il est peu probable que la défense réussisse à nouer un contact téléphonique avec la victime présumée. Si, en revanche, le procureur ou la police veulent procéder à des écoutes ("wiretapping") afin d'entendre et enregistrer les appels émis ou reçus par l'un des protagonistes, l'autorisation préalable d'un juge du siège est nécessaire."
Effet de surprise
Ces investigations n'ont qu'un objectif : instiller la confusion dans la tête des jurés. Car aux États-Unis, le doute est un précieux bouclier pour l'accusé. "Dans le système du doute raisonnable, le raisonnement des jurés est le suivant : Son passé peut créer un doute sur sa crédibilité. Dans celui de l'intime conviction, c'est l'inverse. On se dit : Je suis persuadé qu'il est coupable même s'il y a un doute sur son passé, explique Me Ayela. Il y a plus d'objectivité et de respect de la présomption d'innocence dans le système américain."
Plus l'effet de surprise sera fort, même sur un élément de détail du témoignage ou de la vie de la plaignante, plus le doute jettera de l'ombre sur l'accusation. Les avocats n'ont bien sûr aucune obligation de dévoiler leurs informations avant le procès ni de les partager avec le parquet. "Ils n'auraient d'ailleurs aucun intérêt à le faire, et ce pour éviter que le procureur ne prépare un témoin pour contrer ces preuves", explique Me Dreyfuss".
Les détectives face aux jurés
Les détectives ont cependant les mains liées par certaines règles de procédure. "Ils peuvent témoigner de ce qu'ils ont fait et de ce qu'ils ont trouvé, mais ils ne peuvent pas raconter ce que leur ont dit les personnes interrogées. En outre, leur rapport ne sera pas recevable s'il ne comporte que des ouï-dire. Dans ce cas, ils feront en sorte que les personnes interrogées soient entendues comme témoins et puissent ainsi livrer leurs informations aux jurés", ajoute l'avocat.
Les règles sont différentes en France, où la défense peut demander à ce que le détective comparaisse comme témoin. Il peut donc relater librement ce qu'il a vu ou entendu.
http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/laurence-neuer/comment-les-detectives-de-dsk-vont-semer-le-doute-06-06-2011-1338728_56.php
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