La « mère courage » enfin relogée

Sur l’interphone il y a son nom et dans sa main elle peut serrer « sa » clé. Presque la clé du paradis, dans le sourire radieux de Sadio, qui vient de passer sa quatrième nuit entre les murs rassurants du trois-pièces attribué sur le contingent de la préfecture, non loin du centre de Bondy. « Enfin! » ajouteraient volontiers tous ceux qui se sont mobilisés durant des mois pour cette maman malienne de 41 ans, condamnée à errer d’hôtel social en foyer d’hébergement d’urgence, avec ses deux enfants de 4 ans et 6 ans, depuis qu’elle avait dû quitter son appartement de La Courneuve, il y a près de deux ans. Son tout petit salaire de femme de ménage à temps partiel ne lui permettait plus d’en payer le loyer.

Tributaire du 115 — le numéro centralisateur des places d’urgence —, contrainte de louer un garde-meubles pour y entreposer ce qu’elle appelle « la vie d’avant » et de faire vivre cet inconfort et ces incertitudes à ses enfants, Sadio s’épuisait dans les transports et désespérait d’avoir « frappé à toutes les portes sans jamais d’effet ». Deux nuits ici, trois ailleurs, au mieux une semaine… En septembre dernier, Aissata et Karim ont malgré tout fait leur rentrée à l’école Anatole-France de La Courneuve, où Sadio a toujours mis un point d’honneur à les amener chaque jour, quel que soit l’endroit où elle avait passé la nuit. « Le Blanc-Mesnil, Asnières, Clichy-sous-Bois, Aulnay, et même Massy-Palaiseau dans l’Essonne… » égrène-t-elle comme autant d’étapes épuisantes, mais qu’elle a surmontées.

C’est justement à l’école des enfants qu’est née la mobilisation pour Sadio. Une solidarité qui doit beaucoup à Fatna, déléguée de parents. « C’est d’abord pour ces petits, souvent en retard et toujours si épuisés, qu’avec les enseignants, on a décidé de bouger », raconte-t-elle. Ils sont allés jusqu’à occuper l’école, en octobre dernier, pour alerter sur « l’injustice et le non-sens » de la situation de Sadio. Car malgré la demande de logement social déposée en 2010, et malgré l’avis favorable de la commission locale d’attribution de La Courneuve, son dossier avait été recalé au niveau départemental. « Non prioritaire », avait estimé la commission. Aujourd’hui, le département est plus confiant et garantit six mois de loyer à l’office HLM bondynois, grâce au fonds de solidarité pour le logement (FSL). « Je suis heureuse, sourit aujourd’hui Fatna, jamais on n’a lâché et je suis fière pour nous tous. » « A n’importe quelle heure, je pouvais compter sur vous, lui répond Sadio, l’émotion à fleur de sourire. Sans eux, je n’en serais toujours pas sortie. Maintenant on tourne la page. »

Sadio prévoit déjà de « faire une grande fête à l’école » et d’inviter « tout le monde » dans son appartement de la place Albert-Thomas. Ses enfants finiront leur année scolaire à La Courneuve, avec près de quarante minutes de transport, « mais je ne veux pas les changer en cours d’année ». L’an prochain ils rentreront à l’école du quartier.http://www.leparisien.fr/aulnay-sous-bois-93600/la-mere-courage-enfin-relogee-01-02-2012-1839790.php