jeudi 2 juin 2011

Sexe et politique : "le grand déballage"

Après l'affaire DSK et l'affaire Tron, voici donc l'affaire Ferry. En quelques semaines, la vie politique française, traditionnellement peu regardante sur les moeurs et la vie privée contrairement à des pays comme les Etats-Unis, a vu progressivement des controverses inédites monter au premier plan. Ce qui suscite les inquiétudes de plus en plus marquées des éditorialistes, craignant les effets à long terme de ces polémiques centrées sur les moeurs. Et si Luc Ferry a relativisé mercredi les accusations de pédophilie qu'il avait portées deux jours plus tôt contre un ancien ministre sans le nommer, affirmant qu'il n'avait "pas de preuves", la droite et le PCF le somment de donner à la justice un nom.
Reste la question : ces accusations sont-elles fondées, ou relèvent-elles de la pure rumeur ? "Si c'est avéré", écrit Nicolas Demorand dans Libération, il s'agit "d'un scandale d'Etat" mais en attendant la justice doit faire "rapidement la lumière" sur ces déclarations qui "font bouillir une marmite puante... Et arment le piège fatal du 'tous pourris'."
"L'air de la calomnie"
"Je sais tout mais je ne dirai rien. En entonnant l'air de la calomnie, Luc Ferry a-t-il ouvert le grand déballage du printemps ?", s'interroge Michel Vagner dans L'Est Républicain. Ou s'est-il plutôt livré à un "grand dérapage" ?, renchérit Pascal Jalabert dans Le Progrès. En tout cas, pour Jean-Claude Souléry de La Dépêche du Midi, Luc Ferry "crache dans la soupe aux ragots" et sa conduite est "détestable." "On connaissait l'histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours", ironise Jacques Guyon dans La Charente Libre. "Comment peut-on lancer une accusation aussi lourde avec autant de légèreté ?", accuse l'éditorialiste en constatant au passage que "ces derniers temps, les philosophes ont malheureusement montré que leur capacité à éclairer le monde avait singulièrement baissé en intensité".
"En moins d'un mois voilà la scène politique submergée par les eaux boueuses d'histoires glauques", déplore Patrice Chabanet du Journal de la Haute-Marne. "De deux choses l'une", résume-t-il. Soit ces rumeurs "sont dénuées de tout fondement, et c'est grave pour la politique et la morale", soit elles "sont fondées, et c'est toute une grappe de responsables qui devront répondre de non-dénonciation de crime de pédophilie, à commencer par Luc Ferry lui-même...". "Dans les deux cas", conclut-il, "c'est la démocratie qui trébuche et titube".
Pour Didier Louis du Courrier Picard, "si l'on voulait salir la république et pervertir le débat public, on ne s'y prendrait pas autrement." "A qui profite la logorrhée ?", s'interroge l'éditorialiste, avant de répondre laconiquement : "Lire les prochains sondages de popularité, à la ligne Le Pen." De son côté, Patrick Fluckiger (L'Alsace) voit dans l'affaire Ferry une conséquence du séisme Strauss-Kahn qu'il compare à une "bombe à fragmentation". "Mardi soir", explique-t-il, "Luc Ferry a ramassé une autre sous-munition, et elle lui a explosé entre les mains". Or poursuit-il, "l'incendie s'annonce violent" et "dans ce climat délétère, les médias sont sur la corde raide, car la presse a trop souvent tu les turpitudes des hommes politiques". Mais "faire le juste choix d'informer sans diffamer est parfois moins évident qu'il n'y paraît", souligne l'éditorialiste, "surtout à l'approche d'une campagne électorale où tous les coups sont à craindre".

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