vendredi 30 mars 2012

Les corps de plusieurs Axonais maltraités à la morgue de Lens

La dépouille de leur proche leur a été rendue en morceaux: la tête entre les jambes, les organes dans un sac. Le 4 avril, ces familles crieront leur indignation devant le palais de justice de Paris.

«IL ne s'agit pas que de corps non recousus après une autopsie. Ces deux médecins légistes et ces deux agents d'amphithéâtre qui officiaient à la morgue de Lens ont fait preuve de barbarie. Pendant 10 à 15 ans, ils ont dépecé sans vergogne des êtres humains. »
Hervé Louvrié l'homme par qui l'affaire éclate en avril 2008 pèse pourtant ses mots. Sa femme Betty s'est suicidée. « Elle a été retrouvée morte dans la salle de bain par notre fille. » Hervé, pompier sur Paris, prend alors le premier train.
Quand il arrive dans leur maison du Pas-de-Calais, le corps n'est déjà plus là. « Les policiers se demandaient s'il ne s'agissait pas d'un crime de rôdeurs déguisé en suicide. Il n'y avait pourtant aucune trace d'effraction et ma femme n'avait pas de trace de défense sur son corps. » Hervé Louvrié s'oppose à l'autopsie. « La substitut du procureur m'a dit de ne pas m'inquiéter, que ma femme me serait rendue en bon état. »
Très croyant, Hervé Louvrié veut mettre une bible dans le cercueil. « Mais on m'a rendu un cercueil scellé. » Le mari ne lâche pas, obtient de la justice que les scellés soient brisés. « C'est là que les pompes funèbres ont refusé. Ils ont dit que ma femme n'avait pas été recousue, que sa tête était posée entre ses jambes. Ses organes en vrac mis dans un sac-poubelle jeté dans le cercueil. »
Il fait coucher par écrit le témoignage du directeur des pompes funèbres, qui ajoute que l'état du corps de Betty Louvrié ne le surprend pas puisque c'est chose courante. Il porte plainte.

Vide juridique ?
La morgue de Lens est fermée en décembre 2008, après une visite inopinée des services de la DDASS. Raison officielle : « Manque criant d'hygiène. » Première victoire. Les actions s'enchaînent pour alerter pouvoirs publics et politiques. Les témoignages de familles affluent. « Le parquet de Lens classe l'affaire refusant d'entamer des poursuites, parlant de vide juridique. » Coupables sur le plan moral mais pas condamnables.
La révolte est en marche, Anita Gilliot, maman endeuillée près de Bethune rejoint Hervé Louvrié, son cas étant similaire : « Mon fils de 18 ans a été retrouvé mort. Mort suspecte, ils ont dit qu'il fallait l'autopsier… » Elle travaille aux urgences d'un hôpital, « j'avais l'habitude de recoudre les corps des personnes mortes dans un accident de la route par exemple. Je ne pouvais m'imaginer que telles pratiques existaient. »
Anita et Hervé vont aller à la rencontre des thanatopracteurs officiant à la morgue de Lens, font le tour des agents des pompes funèbres, entrent en contact avec des officiers de police judiciaire censés assister aux autopsies. Leur enquête est édifiante. « Les médecins autopsiaient à tout va pour l'appât du gain : constater une mort naturelle, c'est 40 euros, pratiquer une autopsie, c'est 150 euros. »

Les familles trouvent témoins et preuves
Il n'y avait pas de petits profits selon trois agents de salle repentis qui assurent que « les petits organes étaient systématiquement prélevés comme les cornées, que les corps de SDF étaient conservés et les membres étaient éparpillés dans d'autres cercueils. L'idée était de récupérer les cercueils payés pour les revendre ». Les trois thanatopracteurs parlent aussi de vols des objets appartenant aux défunts : bijoux, vêtements… Des inversions de corps ne sont pas à exclure vu le manque de rigueur qui régnait.
Les familles s'organisent, créent une association, prennent un avocat parisien qui décide d'assigner directement devant la justice les deux médecins et les deux agents. Les juges de Lens devraient examiner l'affaire en juin. « Selon les thanatopracteurs, dans 90 % des autopsies, c'était un carnage. Quand on parle de 800 victimes de ces barbares, on ne doit pas être loin », poursuit Hervé Louvrié.
Pourtant seulement une vingtaine de familles ont engagé des démarches judiciaires. Tous veulent l'exhumation. « Être sûr que c'est notre proche, prouver les vols, explique Anita Gilliot. Les actions en justice nous coûtent très cher et on sait que l'on ne récupérera pas d'argent. »
Dans l'Aisne, deux familles ont jeté l'éponge. Une veuve dont le mari est décédé dans un accident de la route dans le Pas-de-Calais et une maman qui a perdu sa fille. Et combien d'autres, dans le même cas, n'ont pas osé contacter Anita Gilliot ou Hervé Louvrié ?
http://www.lunion.presse.fr/article/aisne/les-corps-de-plusieurs-axonais-maltraites-a-la-morgue-de-lens

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