vendredi 6 juillet 2012

« Sa vie est foutue… »

Le 31 juillet 2009, à Verdun, des ouvriers se trouvent sur un toit, pour réparer une charpente. L’un d’entre eux, âgé de 36 ans, chute » de 7 m de haut… À l’arrivée des secours, son pronostic vital est engagé. Héliporté au CHU de Nancy, il passera alors 22 jours dans le coma. « Les blessures sont impressionnantes. Une fracture du crâne, un hématome sous-dural, des côtes cassées, un éclatement de la vertèbre thoracique… », souligne le président Thomas Grégoire. Aujourd’hui, il est reconnu handicapé à 80 % et ne pourra plus jamais reprendre une activité professionnelle. Devant le juge, le responsable de l’entreprise pour laquelle travaillait la victime, n’est autre que son propre frère, Patrick. Poursuivi, hier, devant le tribunal correctionnel de Verdun pour blessures involontaires, il l’admet : les mesures de sécurité n’ont pas été respectées. À savoir des filets au pied des façades et des harnais pour les ouvriers lorsqu’ils travaillent en hauteur : « Tout le matériel est resté dans le camion », admet Patrick.
Pourtant, il y avait déjà eu des chutes dans le passé. Et l’inspection du travail a envoyé plusieurs courriers au patron de l’entreprise. Pire, le beau-frère du prévenu, un an après les faits, a lui aussi chuté d’un toit, également parce que les règles de sécurité n’avaient pas été respectées. « Ce jour-là, il avait bu. Ce n’est pas bien de se rendre sur un chantier en état d’ivresse », explique le prévenu. « Et se trouver à 7 m de hauteur sans harnais, c’est bien ? », rétorque le juge Grégoire.

« On est revenu 150 ans en arrière ! »

Le jour du drame, la victime voulait en fait enlever des plaques sur le toit, pour pouvoir atteindre la charpente. « Cela devait être fait par une entreprise spécialisée car les plaques contenaient de l’amiante », souligne le juge.
Pour le prévenu, il était difficile d’exiger à des membres de sa famille de respecter les consignes de sécurité. « Il faut que vous compreniez qu’avant d’être votre frère ou votre beau-frère, ce sont des ouvriers sous votre responsabilité », lance le président.
Le procureur Yves Le clair est effaré. « On se croirait revenu 150 ans en arrière ! Si on a progressé point de vue qualité du matériel, certaines mentalités n’ont visiblement pas évolué… » Avant de requérir 1 an de prison avec sursis et mise à l’épreuve et 10.000 € d’amende en insistant sur l’état de la victime : « Sa vie est foutue ! »
C’est aussi le point de vue de la partie civile, représentée par Me Démarés : « Il a perdu le goût, l’odorat. Il n’est pas en fauteuil roulant mais marche difficilement avec des cannes. » Avant de parler de l’épouse de la victime et de ses enfants : « Ma cliente a 37 ans. La vie est devenue insupportable aux côtés de son mari car il est très irritable. S’il était décédé, ça n’aurait pas été pire… »
Il demande 15.000€ de préjudice pour chacun des quatre enfants du couple et 56.000 € pour l’épouse de la victime. Pour la défense, les faits sont constitués. Mais Me Perceval rappelle que l’infraction est « involontaire ». Le tribunal est allé au-delà des réquisitions du procureur en condamnant Patrick Papillier à quatre mois de prison ferme et six avec sursis et mise à l’épreuve. Et 5.000 € d’amende.

http://www.estrepublicain.fr/faits-divers/2012/07/04/sa-vie-est-foutue

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