dimanche 26 juin 2011

À la porte de sa maison, un octogénaire crie à l’abus de faiblesse

Pierre Gouillon dit avoir été abusé par une femme à qui il a laissé la jouissance de sa demeure dans une lettre manuscrite, rédigée sur son lit d’hôpital. Pour elle, ce papier équivaut à un contrat de location.
Ancien industriel et conseiller municipal ambarrois, Pierre Gouillon ne gardera pas un souvenir impérissable de ses 85 ans.
En premier lieu parce qu’il les a fêtés sur un lit d’hôpital, après un malaise cardiaque. Mais surtout, il maudit ce jour où, dans sa chambre, à la clinique d’Ambérieu, il a renoncé par écrit à son propre toit, au profit d’une femme de 35 ans sa cadette.
Rédigé et signé de sa main, le document est ici fidèlement reproduit : « Je soussigné Gouillon Pierre né le 13 février 1925 à Poncin (Ain), saint d’esprit, autorise Madame Sonia Jendoubi, née à […], à occuper la maison principale 5 rue C.-J.-Bonnet à Jujurieux et en contrepartie Madame Jendoubi s’engage à prendre en charge tous les frais qu’engendre la maison principale d’une surface de 500 m ². […]. PG le 15 février 2010. » Sur une seconde feuille, l’octogénaire « révoque tous actes ou testament fait auparavant ».
« Elle était venue fêter mon anniversaire avec une bouteille de champagne deux jours avant ! J’étais sous traitement médical. Sinon, jamais je n’aurais signé quoi que ce soit… », soupire aujourd’hui Pierre Gouillon, dans l’attente d’un épilogue judiciaire. Pour preuve de sa faiblesse au moment des faits, il brandit une attestation du médecin qui, en plus de souligner la gravité de son état, mentionne que son patient n’était « pas capable de donner quatre noms de fleurs ou de se souvenir du nom du président de la République ».
Présumées possesseurs de bonne foi, Sonia Jendoubi et sa famille occupent, jusqu’à preuve du contraire, la belle bâtisse, tandis que le propriétaire réside dans un jardin d’hiver aménagé à l’intérieur de la propriété. « Il m’avait dit vouloir s’y installer, affirme-t-elle. Vu son âge, c’était beaucoup plus facile pour lui. »
« C’est faux », certifie un troisième protagoniste. Miroslav Gojkovic a pris fait et cause pour son voisin et l’a convaincu de la nécessité d’une action en justice.
Il se souvient d’une visite chez lui de Sonia Jendoubi lui demandant, dès octobre 2009, de « tester le chauffage dans l’appartement. Elle m’a dit qu’elle allait installer Pierre Gouillon là-bas. Deux semaines plus tard, il m’a dit qu’il ne voulait pas y vivre. »
Alors, élan de générosité envers une personne qui l’aide dans ses tâches quotidiennes depuis quelques mois, ou décision inconsidérée, prise en situation de faiblesse ? Il reviendra à la justice de le dire.
Chaque partie fourbit ses armes en vue des audiences, au civil comme au pénal (lire encadré). La conviction de Jean-Michel Portal, l’avocat de Pierre Gouillon, est que son client « isolé, veuf et fortuné » était « une proie idéale ».
« Ce document, que Madame Jendoubi a vainement tenté de faire enregistrer par un notaire (impossible sans la présence de son auteur, NDLR), n’a aucune valeur juridique. Mais maintenant qu’elle a accaparé les lieux, seule une procédure et le concours de la force publique peuvent la faire partir. »
Face à lui, M e Gossweiler reconnaît sans difficulté que « la déclaration écrite n’a pas de valeur d’un point de vue testamentaire. En revanche, pour moi, il s’agit d’un bail qui doit permettre à ma cliente de vivre dans les lieux au moins jusqu’en avril 2013. »
Quant aux circonstances qui ont amené à cette situation, les deux camps sont globalement d’accord sur les principaux faits.
À quelques (énormes) détails près ! Sonia Jendoubi assure que Pierre Gouillon a, depuis leur première rencontre, recherché son amitié et sollicité son aide, allant même plus loin : « J’étais attachée à lui, je faisais tout ce que je pouvais pour lui, sans jamais demander de contrepartie. Il disait que j’étais sa fille adoptive et a voulu se renseigner auprès d’un avocat. J’ai refusé. Tout comme j’ai refusé sa proposition d’habiter avec lui. »
L’intéressé dément farouchement et inverse les initiatives.
« C’est elle qui m’a contacté en octobre 2009 à la recherche d’un endroit où stocker des affaires. Elle, qui m’a invité plusieurs fois. Elle encore, qui m’a proposé une adoption, puis un Pacs ; les deux fois j’ai dit non. Elle enfin, qui m’a fait écrire sous la dictée et signer ce papier à l’hôpital ! »
http://www.leprogres.fr/ain/2011/06/26/a-la-porte-de-sa-maison-un-octogenaire-crie-a-l-abus-de-faiblesse

Aucun commentaire: