dimanche 15 avril 2012

Quatorze années de réclusion criminelle pour Mourad Boutahar

Assises. Mourad Boutahar, 32 ans, a été condamné hier par la cour d'assises de l'Aisne à une peine de quatorze ans de détention pour violences mortelles. Les faits s'étaient déroulés à Soissons, dans la nuit du 11 au 12 septembre 2009.

ELLE était sa lumière et il l'appelait « ma petite princesse ». Sid-Ali Zouaoui, la victime âgée de 39 ans, avait obtenu la garde de sa fille après le départ de son épouse en Algérie.
C'était une figure de Soissons, une personnalité simple, à l'aise avec toutes les couches de la société. Un bavard curieux du monde et des autres.
Il n'était pas impressionné par la richesse, seulement par les buts de son club de football préféré, le PSG. Il le défendait, coûte que coûte, sensible aux beaux gestes, malgré les coups du sort. Fidèle, comme un grognard, droit et digne lors des jours de victoire et de défaite. Ou plutôt comme son père, revenu d'Indochine, la poitrine couverte de médailles, la bouche cousue sur ses blessures de guerre et la peur dans les rizières.
En 2002, Sid-Ali Zouaoui avait obtenu le statut de handicapé en raison de la défaillance d'un œil depuis son enfance. Il voulait surtout être comme tout le monde. Il est mort à Soissons dans la rue du Pot d'Etain, vers 2 heures, un soir où il était plus gai que les autres. Il fêtait son anniversaire.
Son agonie a duré près d'une quinzaine de minutes.

Des vies brisées
Son corps a été retrouvé en partie dissimulé sous une voiture en plein centre-ville. Sa tête était méconnaissable, heurtée avec la violence d'un ouvrier qui veut briser une pierre avec un outil. Cette fois, ce sont des pieds et des poings qui servent de massue. « Il n'y a eu aucune humanité. Sans raison et sans motif », relève Me Lefèvre-Franquet, avocat de la famille.
« Si Sid-Ali s'était senti en danger, jamais il ne se serait éloigné du bar », estime Ludovic Manteufel, avocat général, qui décrit un guet-apens.
Aujourd'hui, la fille de la victime, âgée de 7 ans, veut comprendre pourquoi. Absente de la cour d'assises en raison de son âge, elle a interrogé tous les soirs sa grand-mère sur le déroulement des débats. Sa petite voix se gonfle d'autorité lorsqu'elle combat tous les stratagèmes destinés à la laisser sur le sentier de l'insouciance. Il n'y a pas de miracle face aux vraies injustices. « Les autres ont un papa et moi, je n'en ai pas », se désole-t-elle.
Après le déluge de coups assénés pour quelques mots peu à son goût, Mourad Boutahar se rend en discothèque. Une preuve de cynisme ?
Son avocat, Me Bouchaillou s'en défend. Il insiste : « Depuis le début, il clame sa culpabilité. » L'avocat de l'accusé évoque un contexte : « Il y a un démon qui danse à l'intérieur de chacun, c'est l'alcool, tout le monde est excité. »
Mais d'autres éléments pèsent défavorablement.
L'avocat général énumère douze condamnations au casier judiciaire de l'accusé et requiert une peine de quinze ans de réclusion criminelle en remarquant ceci : « Je retiens surtout dans sa personnalité une extrême violence. »
L'accusé ne cherche en rien à dissimuler sa responsabilité. Il tient un petit carré blanc sur lequel il a jeté quelques mots. Mais il s'affranchit de ce texte pour déclarer : « Cela m'a coupé du monde ce que j'ai fait. Je n'ai pas supprimé une vie, j'en ai gâché deux, celle de la victime et la mienne. »
Hier, après trois heures de délibéré, Mourad Boutahar a été condamné à quatorze ans de détention. A cet instant, ses traits restent inexpressifs, mais son frère se plaque les mains sur le visage. Il les retire et son regard est baigné de larmes.
http://www.lunion.presse.fr/article/aisne/quatorze-annees-de-reclusion-criminelle-pour-mourad-boutahar

Aucun commentaire: