lundi 7 septembre 2015

Trente ans après, les excuses de celui qui a coulé le Rainbow Warrior

Le nageur de combat de la DGSE qui a posé la charge explosive ayant fait couler le Rainbow Warrior en 1985 présente ses «excuses», notamment à la famille du photographe tué. Et reproche aux politiques de l'époque de ne pas avoir soutenu les militaires…
Il a des allures de père tranquille, pas vraiment d'un James Bond. Le colonel Jean-Luc Kister était pourtant, il y a 30 ans un nageur de combat de la prestigieuse DGSE, le contre-espionnage français. C'est lui qui a placé la charge contre le Rainbow Warrior, dans le port d'Auckland, en Nouvelle-Zélande, là où le bateau des écologistes mouillait en attendant de mener des opérations médiatiques contre les essais nucléaires français dans le Pacifique.
Face au patron de Médiapart, Edwy Plenel, l'un des journalistes qui avaient levé le lièvre à l'époque, Jean-Luc Kister exprime d'abord ses excuses : «Trente ans après les événements, avec les passions qui se sont apaisées, et aussi le recul que j'ai par rapport à ma vie professionnelle, j'ai pensé que c'était une occasion pour moi d'exprimer à la fois mes profonds regrets et mes excuses». Pour la famille du photographe Fernando Pereira, qui avait trouvé la mort, à sa fille, et au peuple néozélandais.
Ensuite, l'ancien militaire va raconter dans le détail cette étonnante histoire.
D'abord, comment on a expliqué à ces baroudeurs qu'ils allaient devoir s'attaquer à Greenpeace, qui leur paraissait alors être une équipe de doux fantaisistes…
«Nous, on voulait simplement neutraliser le bateau : mettre des trucs dans le gasoil, ou bien faire sauter l'arbre d'hélice et comme ça, le bateau était bloqué suffisamment longtemps. Mais on nous a fait comprendre que non, au plus haut niveau de l'État, on voulait que ce bateau soit coulé !»
Le colonel explique sa surprise, lorsque la charge a explosé : le Rainbow Warrior était un vieux rafiot rafistolé, et la charge a ouvert une brèche bien plus importante que prévue, provoquant un naufrage express. Jean-Luc Kister insiste aussi beaucoup sur le fait que son équipe avait tout fait pour éviter de blesser quiconque. La charge est placée du côté de la salle des machines, à minuit, alors que personne ne devait s'y trouver.
«Le plus simple aurait été de couler le bateau en pleine mer, il n'y aurait eu aucune trace, mais ce n'est pas ce qu'on voulait !»
«Oui, reconnaît Jean-Luc, il y a eu des erreurs techniques, mais on a subi aussi la loi de l'emmerdement maximum.» Sur le fond : «Pour nous, c'était une riposte disproportionnée, comme de prendre un gant de boxe pour écraser une mouche. On aurait pu faire passer le message sans risque de mort. Mais ce risque a été accepté par les politiques.»
Une confession en tout cas passionnante sur une époque et sur ses méthodes. Et aussi une manière pour ces exécutants de faire comprendre qu'ils auraient aimé davantage de soutien des politiques qui les avaient envoyés dans cette galère. C'était il y a trente ans…
Que se passerait-il aujourd'hui ?

http://www.ladepeche.fr/article/2015/09/07/2171891-trente-ans-apres-excuses-celui-coule-rainbow-warrior.html

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